Les Français sont de plus en plus nombreux à utiliser les sites dits de « partage » (covoiturage, locations ou échange de logements ou encore d’objets...). Mais la plupart du temps ils ne déclarent aucun revenu et ces montants échappent à l’impôt. Aux pertes de recettes pour les caisses de l’Etat s’ajoute une distorsion de concurrence par rapport à ceux qui exercent la même activité dans un circuit traditionnel.
Comment remédier à la situation ? Un groupe de travail de la commission des finances du Sénat a travaillé sur le sujet et rendu le 17 septembre 2015 son rapport « sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique ». Les sénateurs préconisent que, via les plateformes, les revenus perçus soient centralisés pour être ensuite transmis automatiquement à l’administration fiscale. La taxation interviendrait après un abattement de 5000 euros. Décryptage.
Un système fiscal inapproprié à l'économie collaborative
Manque-à-gagner pour le fisc, entreprises victimes d’une concurrence déloyale dans le commerce traditionnel, le système actuel est inapproprié à cette nouvelle économie dite collaborative.
Les revenus que les particuliers tirent de sites comme Leboncoin, BlaBlaCar ou Airbnb, sur lesquels ils échangent ou vendent biens ou services, échappent la plupart du temps à toute taxation. Il est difficile d’évaluer le volume de transactions mais il est croissant.
En théorie, les revenus des particuliers sur les plateformes Internet sont imposables (à l'impôt sur le revenu) dans les conditions de droit commun rappelle le rapport. Mais dans les faits, «les revenus sont rarement déclarés, rarement contrôlés et donc rarement imposés». « Des faux particuliers » réalisent parfois un chiffre d’affaires important en s’ « exonérant délibérément de leurs obligations fiscales », constatent les auteurs.
Il s’agit pour les sénateurs de mettre en place de nouvelles règles à la fois justes, simples et efficaces. Mais comment collecter l’impôt et quels revenus imposer ?
Des propositions pour « une fiscalité simple juste et efficace »
Les travaux ont été lancés en mars et les sénateurs ont procédé à des auditions avec les principaux sites du secteur, ainsi que des experts du secteur numérique. Le développement de l’économie collaborative contribue au rétrécissement de la base fiscale. Et Bercy veille au grain…
Le rapport distingue deux catégories de particuliers:
- les occasionnels : ceux qui recherchent un complément de revenu, souvent modeste
- les professionnels : ceux qui en font une véritable activité qui devient de fait commerciale.
A titre d’exemple, l’étude cite plusieurs chiffres : le revenu moyen d'un hôte français qui loue son logement sur Airbnb est d'environ 3600 euros par an alors qu’un chauffeur d’UberPop, avant la suspension du service début juillet, gagnait 8200 euros par an. Parallèlement, un conducteur inscrit sur Blablacar ne cherche généralement qu'à rentrer dans ses frais.
Mais peu de particuliers savent qu’il faut déclarer ces revenus. De son côté, « l’administration fiscale apparait bien démunie » et le rapport estime qu’il n’est « pas souhaitable de concentrer des moyens excessifs sur le contrôle ». Les services fiscaux n’ont tout simplement pas les moyens de contrôler a posteriori des millions de personnes, « représentant chacun un enjeu modeste mais collectivement important », constatent les auteurs.
Transmission automatique
Mais la mise en œuvre de la taxation des revenus provenant de l’activité de particuliers sur ces sites « risque d'être difficile à mettre en place », note le Figaro.
Le rapport propose donc de «mettre en place un système de déclaration automatique des revenus des particuliers, avec l'aide des plateformes collaboratives», qui connaissent exactement l'activité de leurs membres. Le rapport rappelle qu’à compter du 1er octobre c’est sur ce principe qu’Airbnb et les sites de locations de logements collecteront la taxe de séjour due par les particuliers utilisateurs.
Le principe : les plateformes utilisées transmettraient les revenus de chaque particulier automatiquement à une plateforme centrale qui les agrègerait avant de les communiquer une fois par an au fisc. « Seuls les sites volontaires participeraient » précise le rapport. Mais pour les auteurs « l’incitation est forte car la participation constitue une véritable garantie juridique et fiscale offerte aux membres ». Le groupe de travail ne propose en aucun cas de créer un nouvel impôt spécifique : les revenus supérieurs à 5000 euros seront imposables dans les conditions de droit commun au-dessus du seuil.
Une franchise de 5000 euros
Les auteurs du rapport préconisent d’instaurer une franchise annuelle de 5 000 euros pour l’ensemble de l'économie collaborative d’un particulier. Les montants inférieurs à ce seuil ne seraient pas imposables ni déclarables. Une telle franchise reviendrait à ne pas taxer « l'équivalent numérique du vide-greniers ».
Ce niveau de franchise permet de « laisser vivre la nouvelle économie tout en sécurisant les recettes fiscales ». Il correspond d’une certaine manière pour les auteurs à l’équivalent des charges déductibles. Concrètement, on peut considérer qu’en dessous de ce niveau, les sommes gagnées servent à réduire le budget d’entretien, d’électricité, d’assurance, ou encore de carburant dans les cas du covoiturage et de la mise à disposition de leur logement.
Un système simple : les auteurs notent que le système proposé ne crée aucun impôt nouveau et ne nécessite aucune adaptation du droit existant. En effet, l’essentiel des personnes tirant un revenu de l’économie collaborative relèvent du régime de la micro entreprise.
Enfin les auteurs du rapport rappellent que les défis posés par l’économie collaborative dépassent largement le seul cadre fiscal et qu’il est nécessaire de repenser le statut de ces travailleurs de l’économie collaborative au regard du droit du travail.