Conflit familial, désir d’avantager un enfant au détriment d’un autre, certains parents peuvent souhaiter exclure un enfant de leur succession. Mais qu’est ce qui est possible en France alors que notre droit protège les enfants par la réserve héréditaire ?
La part légale des enfants dans la succession de leurs parents
L’article 912 du code civil dispose qu’une partie de l’héritage des parents doit être réservée à leurs enfants qui sont donc des héritiers protégés. Chaque enfant a le droit de bénéficier d’une part minimale de l’héritage lors du décès de chacun de ses parents. C’est la réserve héréditaire.
Par ailleurs, le testateur reste libre de disposer du reste de son patrimoine par donation ou testament. Cette part de la succession est appelée la quotité disponible, le disposant pouvant en faire profiter un tiers ou un ou plusieurs de ses enfants. Elle varie en fonction du nombre d’enfants et ne peut excéder :
- S’il n’y a qu’un enfant, la moitié de son patrimoine,
- S’il y a deux enfants, un tiers du patrimoine,
- S’il y a trois enfants ou plus, c’est un quart du patrimoine qui peut être légué ou donné librement.
Afin d’éviter le non-respect de cette règle, il faut rester vigilant et savoir s’entourer des conseils d’un notaire afin d’éviter lorsque le testateur donne ou lègue une partie de son patrimoine, qu’il n’empiète sur la réserve héréditaire due aux enfants.. Ces derniers pourraient ensuite intenter une action dite "en réduction".
Dans quels cas un enfant peut-il être déshérité ?
Le code civil (articles 726 et 727) prévoit quelques cas extrêmes qui peuvent exclure un enfant de la succession, déclaré alors "indigne à succéder" car il a commis une faute grave à l’égard du parent défunt. C’est le cas s'il a été condamné à une peine criminelle, comme auteur ou complice, notamment pour les faits suivants :
- Meurtre ou tentative de meurtre sur la personne du défunt,
- Coups, violence, voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
Déshériter ses enfants via une installation à l’étranger ?
Des parents résidant dans un pays dans lequel les règles successorales sont moins strictes (absence de réserve) qu’en France peuvent-ils bénéficier de cette situation pour déshériter un enfant ?
Deux arrêts récents de la Cour de cassation (27 septembre 2017) viennent de confirmer que des parents s’étant installés dans un pays n’appliquant pas la "réserve héréditaire" peuvent déshériter leurs enfants. La Cour a énoncé "qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels". En l’occurrence les enfants privés de droits par leurs parents n’étaient pas dans "une situation de précarité économique ni de besoin".
Par ailleurs, il est à noter que depuis le 17 août 2015, en vertu de la nouvelle réglementation européenne*, il est possible de prévoir la loi applicable à sa succession et déroger à la règle de la "réserve héréditaire". Pour tous les biens mobiliers et immobiliers, la loi est celle de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle (définition qui est souvent à l’origine des litiges) au moment de son décès, ou celle de la nationalité du défunt s’il l’avait désignée avant son décès comme loi applicable au règlement de sa succession.
L’assurance-vie pour favoriser un enfant ?
L’utilisation de l’assurance-vie peut permettre de favoriser un ou plusieurs enfants désigné(s) bénéficiaire(s) d’un contrat car les capitaux sont transmis hors succession. Toutefois, il faut rester extrêmement vigilant et s’entourer de tous les conseils afin que les sommes y figurant ne soient pas "manifestement exagérées" et qu’en conséquence les enfants qui s’estimeraient lésés demandent au juge la réintégration dans la succession de tout ou partie des sommes versées. L’administration fiscale aura également son mot à dire…
*Règlement Européen sur les successions internationales signé par tous les pays de l’Union Européenne à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande.
Crédit photo : Gwengoat