Le premier ministre Edouard Philippe a confirmé le report du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 au lieu du 1er janvier 2018 prévu initialement. Ce report, qui a obtenu le feu vert de l’Assemblée Nationale, destiné à permettre un audit et une expérimentation du dispositif, fera l’objet de mesures réglementaires. Quels sont les impacts de cette décision sur les prochaines années d’imposition ? Certains contribuables doivent peut être revoir leur stratégie….
Un report d’un an pour tester davantage le dispositif
L’entrée en vigueur du prélèvement à la source (PAS) sera repoussée d’un an. Pour rappel, l’impôt concerne actuellement les revenus de l’année précédente et le PAS permet d’ajuster en temps réel la perception de l’impôt et l’évolution des revenus.
Ce report est destiné à tester davantage le dispositif puis à effectuer un audit pour vérifier son bon fonctionnement. Mais il apparait aussi que le gouvernement voulait éviter la simultanéité d’application au 1er janvier 2018 du PAS avec la baisse des cotisations salariales.
En effet, Emmanuel Macron craignait que le signal de pouvoir d’achat qu’il voulait donner aux salariés avec la baisse des cotisations sociales à partir du 1er janvier 2018 ne soit brouillé sur la fiche de paie par l’application au même moment du prélèvement à la source.
Les revenus de 2017 imposés « normalement » en 2018
Première conséquence du report d’un an du PAS : l’impôt à payer en 2018 sera dû en totalité au titre des revenus de l’année 2017 selon les règles de droit commun. L’application du crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR), visant à éviter un double prélèvement -l’un sur les revenus contemporains et l’autre au titre des revenus 2017- est reportée d’un an, comme le sont tous les dispositifs attachés à l’année de transition.
Les modalités d’imposition seraient donc inchangées en 2018 (revenus 2017) par rapport à celles en vigueur actuellement et l’impôt sur le revenu sera prélevé chaque année :
-en 2018 sur les revenus de 2017,
-en 2019 sur les revenus de 2019
-et en 2020 sur les revenus de 2020…
Revenus 2018 : l'année de transition
Dans un communiqué, Bercy a précisé que « les dispositifs relatifs à l’année de transition seront reportés d’un an ». En pratique ce qui était prévu pour l’année 2017 dite de transition s’appliquera sur l’année 2018.
Afin qu’avec l’entrée en vigueur du PAS en janvier 2019, les contribuables ne cumulent pas cette année-là, prélèvement à la source sur les revenus contemporains et imposition des revenus 2018, c’est l’impôt normalement dû au titre des revenus non exceptionnels perçus en 2018 qui sera annulé par le biais d'un crédit d'impôt (CIMR). Ce crédit d’impôt spécifique sera calculé par l'administration fiscale sur la base de la déclaration des revenus 2017 déposée au printemps 2018. Le dispositif voté par les députés prévoit un encadrement de ce crédit d’impôt afin d’éviter l’optimisation que seraient tentés de faire certains contribuables. « Les revenus exceptionnels ainsi que les autres revenus exclus du champ de la mesure, par exemple les plus-values mobilières et immobilières, les intérêts, les dividendes, les gains sur les stocks options ou les actions gratuites resteront imposés en 2019, selon les modalités habituelles », peut-on lire sur le site de Bercy.
En résumé, le report d’un an du dispositif du CIMR conduirait ainsi :
- au rétablissement de l’imposition de la totalité des revenus de l’année 2017,
- à l’annulation par la mise en place d’un crédit d’impôt spécifique de l’imposition des revenus courants de l’année 2018,
- à la seule imposition des revenus exceptionnels de 2018, recouvrée en 2019.
Revenus 2017 : principales conséquences du rétablissement d’une imposition finalement « normale »
Avant l’annonce de ce report, certains contribuables ont pu prendre certaines dispositions fondées sur l’anticipation d’une annulation de l’impôt au titre des revenus réguliers de 2017… Quelles conséquences ? Bercy apporte des réponses sur son site.
Evoquant certaines situations (heures supplémentaires, décalage d’une date de départ à la retraite…), l’administration fiscale répond : « votre effort d’activité garde ses effets car un supplément de travail et de revenus procure toujours un gain net après impôt » !
Elle rappelle que pour les revenus fonciers, les travaux réalisés en 2017 auront un plein effet fiscal au titre de 2017. Ensuite, à ceux qui se sont abstenus d'alimenter leurs produits d'épargne retraite -notamment dans le PERP où les sommes placées sont déductibles du montant imposable dans la limite d'un plafond-, Bercy répond : « vous pouvez de nouveau épargner pour votre retraite comme vous le faisiez avant et les versements réalisés auront un effet fiscal au titre de 2017 ».
Ensuite si vous avez des réductions et crédits d’impôts au titre de 2017, ils seront restitués en toute logique en 2018. Le dispositif d’avance de 30 % sur le crédit d’impôt services à la personne prévue au premier trimestre 2018 étant lié à la mise en œuvre du prélèvement à la source, il sera donc également repoussé au premier trimestre 2019.
Dans l’attente de la validation par le conseil constitutionnel
Bercy précise que ce report d’un an au 1er janvier 2019 fera l’objet de mesures réglementaires. Qu’en est-il du risque juridique d'un report ?
Pour certains juristes, la question de la validité de ce report peut se poser dès lors que le Conseil constitutionnel reconnaît de manière constante, sauf motif d’intérêt général suffisant, une protection des « situations légalement acquises », mais aussi des « effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations » (Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 ).
Certains contribuables préféreront attendre sans doute que le report du PAS soit validé par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs le texte prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2017, un rapport exhaustif présentant les expérimentations sur le prélèvement à la source menées de juillet à septembre 2017, ainsi que leurs résultats.
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