A la suite de la demande d’un administré, le 17 juin 2015, le Conseil d’État a transmis au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’assujettissement aux prélèvements sociaux des contrats multi-supports prévu par l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
La loi de finances pour 2011 a institué la perception « au fil de l’eau » des prélèvements sociaux sur les intérêts générés par les compartiments en euros des contrats d’assurance vie « multi-supports ».
Alors que le Conseil Constitutionnel a jugé dans une décision du 17 septembre 2015 que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas le principe d’égalité devant les charges publiques, ce jugement est l’occasion de rappeler le régime en vigueur depuis 2011.
Les règles en vigueur depuis 2011
Un bref retour en arrière : avant les réformes de 2010 et 2011, les modalités d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits des contrats d’assurance-vie, étaient les suivantes :
– dans les contrats mono-support en euros, l’inscription annuelle au contrat des produits constitue le fait générateur de l’imposition. Les prélèvements sociaux sont acquittés « au fil d’eau », prélevés à la source par l’assureur.
–dans les contrats mono-support en unités de compte, les produits sont dégagés lors du dénouement du contrat et dépendent de la valeur de l’unité de compte à ce moment. Par conséquent, rappellent les sages dans leur décision, le fait générateur de l’imposition des produits est le dénouement, partiel ou total, du contrat.
– enfin dans le cas des contrats multi-supports - les plus courants actuellement - qui comprennent à la fois compartiments en euros et en unités de compte, le fait générateur de l’imposition aux prélèvements sociaux des produits était également le dénouement, partiel ou total, du contrat.
Puis le régime a évolué.
Tout d’abord depuis le 1er janvier 2010, les produits des contrats en unités de compte ou multi-supports sont assujettis aux prélèvements sociaux non seulement en cas de dénouement du contrat par rachat partiel ou total mais également en cas de décès de l’assuré.
Ensuite depuis le 1er juillet 2011, le fait générateur des prélèvements sociaux sur les produits du fonds euros dans le cadre d’un contrat multi-supports est l’inscription au compte, comme c’est le cas pour un contrat mono support euros. Concrètement dans un contrat multi-support l’acquittement aux prélèvements sociaux (PS) intervient donc « au fil de l’eau » pour une partie des produits de ces contrats (fonds euros), alors que les autres produits (unités de compte) est assujettie aux prélèvements sociaux au dénouement.
Les éventuels correctifs mis en place par le législateur
Dans le contenu de sa réponse, le Conseil Constitutionnel rappelle que le législateur a prévu plusieurs correctifs lorsque le dénouement d’un contrat multi-support se traduit par des pertes sur leurs fonds en unités de compte. « L’assiette des prélèvements sociaux est réduite des produits (donc des fonds en euros) qui ont déjà supporté les prélèvements sociaux ».
Le paragraphe III bis de l’article L. 136-7 prévoit que si le montant acquitté au titre des prélèvements sociaux sur les fonds en euros se révèle lors du dénouement, supérieur au total de l’imposition finalement due pour les produits du contrat multi-support, « l’excédent perçu est reversé au contrat ».
La question de constitutionnalité
Quel est le contentieux d’origine ? Le requérant s’est vu refuser par l’administration le dégrèvement des prélèvements sociaux prélevés au titre des années 2011 2012 et 2013 pour les produits des fonds en euros de contrats d’assurance-vie multi-supports. Selon lui le choix du législateur de « considérer que le fait générateur des prélèvements sociaux assis sur les produits du compartiment en euros des contrats d’assurance-vie multi-supports intervient lors de leur inscription au compte repose sur une assimilation erronée aux contrats en euros ».
Il soutenait que dès lors que ces produits ne sont ni réalisés ni disponibles au titre de l’année d’imposition, le législateur avait pris une mesure contraire à l’article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relative au principe d’égalité devant les charges publiques.
Le Conseil Constitutionnel juge conforme les modalités d’assujettissement
Le Conseil Constitutionnel reconnait que les produits financiers ne sont pas des bénéfices ou des revenus, réalisés à la date du prélèvement. Mais les capacités contributives à l’impôt des citoyens sont respectées dans la mesure où le prélèvement se fait sur les produits inscrits au contrat. De plus, en cas de trop-perçu à la fin du contrat, le législateur a prévu des mécanismes de correction permettant d'éviter une double imposition et d'assurer la restitution d'un éventuel trop-perçu.
Le Conseil Constitutionnel en a déduit que « l'imposition finalement due par le contribuable au titre des produits en cause est seulement assise sur les bénéfices ou revenus qu'il a effectivement retirés de ce contrat et, par suite, que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les capacités contributives des contribuables ».
La réserve d’interprétation des Sages …
Le Conseil Constitutionnel a donc jugé que le quatrième alinéa du 3° du paragraphe II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.
Mais les Sages ont émis une réserve d’interprétation relative au mécanisme de correction qui permet un versement du trop-perçu lorsque les pertes des fonds en unités de compte excèdent les produits des fonds en euros au jour du dénouement du contrat.
Le Conseil Constitutionnel considère que le contribuable qui a obtenu un remboursement sur les prélèvements sociaux a droit à des intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal.
Nul doute que les assureurs ont bien accueilli cette décision du Conseil Constitutionnel. Car en cas de jugement de non-conformité de la loi à la Constitution, ils risquaient d’avoir à modifier toute leur procédure de prélèvement.