Sous l’effet de reculs de cours des actifs risqués, ce sont près de 16 milliards d’euros d’encours qui ont été perdus, alors que le marché a enregistré un transfert de plus de 5,6 milliards d’euros vers des Sicav de droit luxembourgeois.
Un environnement économique instable
« Les sujets d’inquiétude auront été nombreux, entre la situation de l’économie chinoise, la baisse des prix du pétrole et les prévisions de croissance mondiale revues à la baisse, souligne Jacques-Olivier Falluel, responsable marketing d’EuroPerformance. Ces données auront fait réagir le comité de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, sa présidente, annonçant d’ailleurs en mars que ce n’était plus quatre mais deux hausses de taux auxquelles il faudrait désormais s’attendre durant l’année, insistant également sur le caractère fragile de l’économie américaine. En Europe, les investisseurs avaient placé beaucoup d’espoir dans la réunion de mars de la Banque centrale européenne [BCE]. Ils n’auront pas été déçus. L’arsenal de mesures annoncées a réorienté les marchés boursiers à la hausse, alors qu’ils étaient plombés depuis janvier. »
Les fonds obligataires ont profité des annonces des banques centrales au mois de mars : les rendements des emprunts d’Etat se sont détendus et les spreads de crédit [écart de rendement entre les obligations privées et les obligations gouvernementales] se sont resserrés. Toutes les catégories obligataires ont délivré une performance mensuelle positive, allant de + 0,5 % pour le haut rendement à + 1,7 % pour la dette émergente, en passant par + 1,2 % pour les compartiments obligations euro et obligations Europe. Du côté des actions, malgré l’embellie de mars, les résultats des gestions ressortent en négatif sur le trimestre. Les fonds actions Europe ont cédé 6,2 % et les fonds Asie ont abandonné 7,9 %. Profitant du retour des flux d’investissements en mars, la catégorie actions émergentes a limité sa performance trimestrielle à un repli de 0,2 %. L’ensemble des catégories actions a cédé plus de 12,6 milliards d’euros du fait de la mauvaise tenue des marchés. Sur trois mois, les performances des actions ont été négatives de 5,2 %.
Les autres classes d’actifs, à savoir les convertibles (– 3,3 %), les fonds diversifiés (– 2,6 %) et la gestion flexible ( – 3,2 %), ainsi que la plupart des gestions d’arbitrage, ont terminé le trimestre dans le rouge. Sur le segment monétaire, près de neuf fonds sur dix de la catégorie court terme ont eu un rendement négatif de fin décembre à fin mars. « Cette proportion, précise Alexandre Cassan, chargé d’études de l’agence, atteint un peu plus de trois fonds sur dix parmi les portefeuilles les plus longs du segment (catégorie trésorerie). Dans la catégorie obligations euro très court terme, où certains fonds ont le statut d’équivalent cash, cette proportion dépasse légèrement deux fonds sur dix. »
Appétit en baisse pour les fonds flexibles
Si, pour l’ensemble du marché de la gestion collective tricolore, l’effet performance a fait perdre près de 16 milliards d’euros dans le trimestre écoulé, la collecte (effet souscriptions) a permis d’engranger 14 milliards d’euros. Il y a eu des rachats dans le compartiment obligataire, avant que les investisseurs ne lui renouvellent leur intérêt en fin de période. A l’inverse, dans le compartiment actions, c’est la fin du trimestre qui aura été l’occasion d’enregistrer des rachats dans la plupart des familles géographiquement spécialisées (à l’exception des marchés émergents).
« Fait notable en ce début d’année, continue le professionnel, la demande pour les fonds de gestion flexible s’est infléchie. Longtemps plébiscitée par de nombreux investisseurs, la catégorie a connu au cours du trimestre, en février puis en mars, ses premiers rachats nets depuis deux ans et demi, ne collectant au final que 98 millions d’euros. Parmi les classes d’actifs de long terme, les fonds immobiliers, le long/short actions et les ETF sont en situation de collecte. » Ce sont bien les capitaux alloués aux fonds de trésorerie (16,9 milliards d’euros) qui permettent au marché des fonds de droit français d’afficher une collecte trimestrielle largement positive. En outre, le marché a enregistré le transfert d’encours d’un peu plus de 5,6 milliards d’euros de portefeuilles d’actions (– 4,2 milliards d’euros) et de convertibles (– 1,4 milliard d’euros) vers des Sicav de droit luxembourgeois.
Comme l’an passé à la même époque, les actifs gérés en fonds de trésorerie sont en forte progression, bien que leurs rendements soient très modiques, proches de zéro (un peu au-dessus ou un peu en dessous). Par rapport à fin décembre, le segment affiche près de 18,3 milliards d’euros d’encours supplémentaire ! Le total des avoirs sous gestion dans ce segment est de 298,4 milliards d’euros, ce qui fait apparaître une hausse de 6,5 % sur le premier quart de l’année. Preuve de la frilosité des investisseurs, le compartiment trésorerie représente 36,8 % du total des encours, loin devant les compartiments actions (25,5 %) et obligations (13,7 %).
« A l’exception de BNP Paribas, en situation de décollecte, les principaux gestionnaires de la classe d’actifs trésorerie, commente Alexandre Cassan, enregistrent des flux entrants. Natixis profite de 4,4 milliards d’euros de souscriptions nettes, suivi par CM-CIC AM avec une collecte de 3,1 milliards d’euros. Amundi récolte 2,4 milliards d’euros de flux d’investissement et 1,8 milliard d’euros est allé vers sa filiale BFT IM. Les assureurs Axa IM et Groupama AM réalisent également des collectes fournies avec 1,7 milliard d’euros et 1,5 milliard d’euros, respectivement. Les fonds du gestionnaire OFI AM auront attiré 2,1 milliards d’euros de flux d’achats. »
Des spécialités actions en ordre dispersé
Dans la classe obligataire, il aura donc fallu attendre l’annonce de nouvelles mesures de soutien de la part de la BCE pour que les fonds du segment renouent avec une collecte positive et des performances de meilleure tenue. La variation d’encours trimestrielle est positive (586 millions d’euros), en dépit de souscriptions nettes globalement négatives (– 438 millions d’euros). Rares sont les gestionnaires qui ont connu plus d’entrées que de sorties de capitaux. Carmignac Gestion a capté 983 millions d’euros. Lyxor a drainé 523 millions avec ses ETF. Toujours dans le domaine obligataire, Groupama AM (376 millions d’euros), Allianz GI (263 millions d’euros) et Axa IM (142 millions d’euros) se sont également illustrés.
Alors que les mois de janvier et de février avaient été le théâtre de flux acheteurs des investisseurs, le mois de mars a été marqué par une décollecte à hauteur de 2 milliards d’euros dans le segment des fonds actions. L’encours de la classe d’actifs a perdu 8,5 % en un trimestre. Les catégories Amérique du Nord, Asie et actions internationales ont ensemble abandonné plus de 1,8 milliard d’euros en trois mois. Malgré d’importants rachats en mars, la catégorie Europe est parvenue à avoir une collecte trimestrielle positive (315 millions d’euros), alors que les fonds d’actions émergentes ont collecté 564 millions d’euros, grâce au retour des flux d’achats en mars sur les ETF. Peu de gestionnaires sont parvenus à se distinguer. THEAM (+ 408 millions d’euros), Covea Finance (+ 214 millions d’euros), Sycomore AM (+ 136 millions d’euros), La Banque Postale AM (+ 123 millions d’euros) et Amundi (+ 111 millions d’euros) font figure d’exceptions. Comgest, DNCA Investments, Métropole Gestion ou la Financière de l’Echiquier, notamment, ont subi des rachats, comme la plupart des assureurs et des réseaux bancaires…
Egalement en baisse, les actifs gérés en fonds diversifiés rassemblent 88,5 milliards d’euros (– 2,2 % sur le trimestre). Par ordre d’importance décroissante, les fonds d’allocation mixte, les fonds à dominante obligataire et les fonds à dominante actions ont enregistré des sorties nettes.
En guise de conclusion, nous estimons que le monétaire, moins intéressant que le livret A (toutefois plafonné à 22.950 € par personne) doit être réservé aux capitaux en attente d’emploi (il ne rapporte plus rien), que les fonds obligataires restent relativement attrayants dans une optique de moyen terme (principalement ceux qui sont investis en emprunts privés) et que les fonds actions, à plus long terme, s’assortissent de perspectives de plus-values (notamment ceux qui sont spécialisés sur l’Europe et les pays émergents) à la mesure des risques encourus. Rappelons aussi que les comptes d’instruments financiers (CIF), les plans d’épargne en actions (PEA et PEA-PME) et les contrats d’assurance-vie (avec au moins 25 % en unités de compte) permettent d’optimiser l’indispensable diversification de ses avoirs financiers.