Des outils de gestion passive
Les trackers sont des outils de gestion passive (par opposition à la gestion active, laquelle s’appuie sur la sélection de titres). Négociables en Bourse, en continu, sur le segment de marché NextTrack de NYSE Euronext, comme de simples valeurs mobilières (ce qui n’est pas le cas pour les actions de Sicav et les parts de FCP, valorisées au mieux une fois par jour), les ETF ont fait leur entrée en France en 2001. Ils rencontrent un véritable succès dû, pour l’essentiel, à leur simplicité : ils offrent aux investisseurs la performance d’un indice (actions, obligations, matières premières, volatilité, thématique, stratégie, style…), dont ils représentent une fraction du prix (par exemple 1/100e).
Les ETF permettent de s’exposer à des marchés souvent difficiles d’accès et auxquels, en général, les particuliers n’ont pas la possibilité de s’intéresser directement : dettes privées, pays émergents, immobilier américain, valeurs japonaises avec couverture de change, infrastructures, or et métaux précieux, etc. De toute façon, aucun particulier ne pourrait durablement reproduire seul la performance d’un indice, vu les moyens à mettre en œuvre que cela impliquerait.
Une cotation au juste prix
Les ETF sont identifiés par un code mnémonique et un code Isin alphanumérique (International Securities Identification Number). La liquidité est assurée par les émetteurs et des teneurs de marché. Ceux-ci se rémunèrent grâce à un léger différentiel de prix entre l’achat et la vente. L’écart entre les extrêmes est réglementé (pas plus de 1,5 % par excès ou par défaut autour de la valeur liquidative, par exemple), de façon que le cours d’un ETF ne soit, à chaque instant, pas très différent de son « vrai » prix. Plus la fourchette est étroite, plus le tracker est liquide.
Du point de vue de l’investisseur, un « bon » ETF doit maximiser ses chances de répliquer la performance d’un indice. Le fonds doit aussi afficher un faible écart entre cours acheteur et cours vendeur (pour ne pas trop grever le bénéfice de l’opération). Pour sélectionner les trackers, les professionnels s’appuient sur trois variables : une estimation de l’écart de performance par rapport à l’indice, la volatilité de cet écart de performance (tracking error) et la différence entre les cours acheteur et vendeur (spread de liquidité).
Une tarification compétitive
Les frais de transaction sont ceux habituellement pratiqués par les intermédiaires financiers (banques, courtiers en ligne…) pour les ordres de Bourse. Il n’y a ni droit d’entrée ni droit de sortie. En outre, les frais de gestion sont faibles (fréquemment inférieurs à 0,50 % par an, soit nettement moins que les frais de gestion prélevés dans le cadre de la gestion collective classique, censée, elle, apporter une valeur ajoutée par rapport à un indice). A la Bourse de Paris, les jours ouvrés, l’horaire de cotation s’étend de 9 h 05 à 17 h 30. L’ordre est exécuté quand les conditions de marché (offre, à l’achat, ou demande, à la vente) le permettent. Près de cinq cents trackers sont aujourd’hui proposés par une douzaine de fournisseurs : Amundi, Lyxor, Deutsche Bank, Invesco, State Street, etc.
Les ETF reflètent fidèlement le comportement d’un nombre plus ou moins grand de titres, de quelques dizaines à quelques centaines, selon les indices considérés. Si vous possédez un tracker Cac 40 et que l’indice parisien s’octroie 5 % en une semaine, vous gagnerez grosso modo 5 % (il y a une petite friction liée aux frais de gestion et à la qualité de la réplication) dans la période. Rien de plus simple ! Une seule part permet d’avoir une fraction d’un ensemble.
A chacun sa solution
Il est généralement judicieux d’acquérir des trackers pour les combiner, comme autant de briques pures, dans le cadre d’une allocation d’actifs internationalement diversifiée assortie d’un horizon de placement de moyen-long terme. A plus court terme, quelqu’un qui a une conviction sur un pays (Allemagne, Russie, Grèce, etc.) ou un secteur d’activité (consommation, finance, santé, etc.), par exemple, recherchera dans le marché s’il y a un tracker qui permet d’en tirer parti. Il serait étonnant que cela ne soit pas le cas. Se diversifier, spéculer ou se couvrir, plusieurs options sont possibles.
Il n’y a pas d’échéance : les ETF peuvent être conservés indéfiniment. Il ne s’agit pas de produits dérivés. Il n’y a pas d’appels de marge. Certains trackers versent des revenus. D’autres les capitalisent. Les trackers sont éligibles à l’assurance-vie. Les contrats innovants en proposent un choix dans leurs unités de compte. Nombre de trackers sont également éligibles au PEA (plan d’épargne en actions). Bien entendu, les trackers peuvent toujours être logés dans un compte d’instruments financiers (CIF) ordinaire. Il est alors possible, sous réserve d’y être autorisé, d’utiliser le SRD (service de règlement différé), du moins pour les trackers qui y sont éligibles, ce qui évite d’acheter au comptant. Dans le cadre du SRD, certains trackers peuvent aussi être vendus à découvert. La fiscalité sur les revenus et sur les plus-values est la même que celle en vigueur pour les valeurs mobilières traditionnelles.
Le frisson du levier
Quelques trackers sont assortis d’un effet de levier, à la hausse ou à la baisse. Par exemple, si vous achetez un tracker avec un effet de levier de 2, vous gagnez deux fois la performance de l’indice sous-jacent lorsque celui-ci progresse, mais vous perdez deux fois plus en cas de variation négative. Dans certains cas, vous pouvez miser sur l’inverse de la tendance, avec un tracker baissier (short) ou en vendant à découvert un tracker classique : vous gagnez lorsque l’indice de référence se replie et, mécaniquement, vous perdez lorsque celui-ci monte. Un tracker baissier peut également être utilisé comme instrument de couverture (pour protéger un portefeuille d’un brutal recul, sans avoir à vendre les valeurs qui le composent).
Parmi les variantes, citons encore les ETF indexés sur les indices dits « intelligents » Rafi (Research Affiliates Fundamental Index), mis au point par Rob Arnott en 2002. L’idée était de concevoir une alternative aux indices classiques pondérés par la capitalisation boursière. Car, en privilégiant les valeurs sous-jacentes qui montent, ces derniers sous-pondèrent d’autant les valeurs sous-valorisées. Quatre critères financiers ont été retenus pour les indices Rafi : chiffre d’affaires, marge brute d’autofinancement, dividende, valeur comptable.
Réplication : physique ou synthétique
Sachez aussi qu’il existe deux modes de réplication : physique et synthétique. Dans la réplication physique, le gestionnaire acquiert toutes les valeurs d’un indice. Dans la réplication synthétique, le gestionnaire échange par un contrat (swap) la performance d’un portefeuille investi en titres liquides contre celle d’un indice donné. Cela revient à peu près au même, au risque de contrepartie près. Pour l’investisseur, cela ne change pratiquement rien. Pour être éligibles au PEA, les ETF doivent être au investis en actions européennes (au minimum à 75 %). Grâce à un recours aux marchés dérivés, ils peuvent proposer une indexation à un indice composé de valeurs non éligibles. Un avantage supplémentaire qu’offrent les trackers par rapport aux Sicav et au FCP traditionnels. De surcroît, du fait de l’ingéniosité des opérateurs, les trackers permettent, le cas échéant, de s’intéresser à un marché qui peut être fermé (Etats-Unis, Japon…) quand la Bourse de Paris, elle, est ouverte !...
S’ils séduisent depuis longtemps les institutionnels, les trackers sont des produits financiers qui n’en sont pas moins disponibles pour les particuliers. Aux Etats-Unis, le tracker Nasdaq QQQ et l’ETF SPDR S&P 500, par exemple, sont aussi connus du public que Google ou Apple !
Un encours européen de 462 milliards d’euros
Selon Morningstar, au premier trimestre 2015, les ETF domiciliés en Europe ont drainé 30,8 milliards d’euros d’argent frais (contre 43,5 milliards d’euros l’an dernier), ce qui porte l’encours global à 462 milliards d’euros (contre 381 milliards d’euros fin 2014). L’appréciation du capital dû à des configurations de marché dans l’ensemble haussières a été de 50,2 milliards d’euros en trois mois pour ces ETF. Parmi les dix premiers ETF en termes de collecte au premier trimestre 2015 figurent plusieurs fonds exposés aux actions européennes (MSCI Europe) et de la zone euro (MSCI EMU), ainsi que deux trackers offrant une exposition aux obligations d’entreprises libellées en euro.
Avec les ETF, professionnels et épargnants sont logés à la même enseigne, en termes de frais, de liquidité et de performance. Les Français ne les connaissent peut-être pas suffisamment bien. Certes, quand l’indice sous-jacent ne va pas dans le sens souhaité, il n’est pas possible d’éviter la baisse. Il y a un risque. Par ailleurs, les conseillers professionnels les préconisent rarement (faute, sans doute, d’une possibilité pour eux de rémunération convenable). Au demeurant, il est facile (grâce à Internet, notamment) de trouver l’information sur la composition des indices et d’en suivre les évolutions au fil du temps. Enfin, la consultation des documents d’information clés pour l’investisseur (DICI) est fortement recommandée.
M. L.