Pour ne pas être prisonniers d’une mode, quand ce n’est pas d’une bulle, certains s’intéressent plutôt à une thématique transversale. Les valeurs familiales, par exemple, offrent ainsi une meilleure diversification autour d’un fil conducteur.
Le moteur de l’économie
« Les entreprises familiales incarnent la forme la plus ancienne d’organisation à but lucratif, souligne Christophe Bernard, responsable du Family Business chez KPMG, cabinet d’audit et de conseil. Aujourd’hui encore, elles constituent la structure d’entreprise la plus répandue et restent le moteur de l’économie mondiale. Selon le Family Firm Institute, les entreprises familiales représentent les deux tiers du nombre total des entreprises au niveau mondial et génèrent chaque année plus de 70 % du PIB mondial. Pourtant, leur importance économique est souvent sous-évaluée. Pour beaucoup, la représentation de l’entreprise familiale s’arrête à la boulangerie ou à l’épicerie du coin de la rue. Mais la réalité est très différente : les entreprises familiales – des millions de PME/PMI aux géants mondialement connus que sont Wal-Mart, Ford ou Dior – sont partout autour de nous. Selon le cabinet de conseil McKinsey, un tiers des sociétés de l’indice S&P 500 est défini comme des entreprises familiales. »
Quelques sociétés de gestion, comme Meeschaert Asset Management et Oddo Meriten Asset Management (deux sociétés appartenant d’ailleurs à des groupes familiaux), mais aussi Flornoy & Associés Gestion, Allianz Global Investors, Marignan Gestion ou encore Lombard Odier Investment Managers, proposent chacune un fonds dédié à cette thématique familiale : MAM Entreprises Familiales, Oddo Génération, Flornoy Valeurs Familiales, Allianz Actions Aequitas, Marignan Valeurs Familiales et Family Values, respectivement.
Pour Sébastien Korchia, directeur des gestions actions chez Meeschaert Asset Management, une entreprise familiale est une entreprise dont les principaux actionnaires sont une ou plusieurs personnes physiques ou une famille exerçant ou non des fonctions au sein de cette entreprise. « Sur les marchés, fait-il observer, 30 % des entreprises du Cac All Tradable sont familiales, avec un pourcentage beaucoup plus important sur les segments B, C et sur Alternext. Si l’univers d’investissement est large, les tailles de capitalisation sont variées, allant des entreprises de petite taille aux grands groupes du Cac 40, soit de 100 millions d’euros à plus de 25 milliards d’euros. »
Il y a en France 2,5 millions d’entreprises familiales, dont 1.400 sont toujours détenues par la famille du fondateur depuis au moins trois générations. La France illustre dans de nombreux secteurs la vitalité des entreprises familiales qui, selon la société de conseil Sevenstones, représentent 83 % du total des entreprises, cotées ou non cotées. D’après KPMG, dans l’univers européen des entreprises familiales, 75 % des entreprises se disent confiantes pour les mois à venir, 58 % des entreprises font état d’une augmentation de leurs chiffres d’affaires, 75 % des entreprises prévoient de réaliser des investissements stratégiques, 47 % des sociétés entrepreneuriales considèrent que leur pays constitue l’opportunité d’investissement la plus attrayante et 74 % des entreprises opèrent aujourd’hui à l’étranger.
Des stratégies claires et cohérentes
Les points forts des entreprises familiales sont la capacité à remporter des marchés ou à fidéliser les clients, les prises de décisions rapides et souples, le service à la clientèle, l’engagement et la fidélité du personnel, la cohabitation des seniors et de la nouvelle génération, ce qui permet de combiner expérience et nouvelles compétences. Dans une entreprise familiale, l’implication du management est forte et s’inscrit naturellement dans la durée. Le capital est très souvent l’actif principal, voire l’unique actif, de la famille. La gestion est réputée prudente. De surcroît, les entreprises familiales sont généralement moins endettées que les autres.
« Leur stratégie est claire et cohérente, avec un objectif à long terme, sans donc subir les contraintes du court terme, précise Sébastien Korchia. Les projets d’investissement sont réalistes et les niveaux d’investissement maîtrisés. Les entreprises familiales sont plus défensives. Leur univers est moins cyclique. Certains domaines d’activité, poursuit le professionnel, nécessitent une forte mobilisation de capitaux qu’une famille, qui veut rester l’actionnaire principal, ne peut fournir. Des secteurs sont donc peu ou ne sont pas représentés : banques, assurance, industrie lourde. En revanche, des secteurs sont surreprésentés : alimentation, distribution, luxe, services à la personne, informatique… »
Autres éléments à prendre en compte : une rémunération des dirigeants plus faible que la moyenne, une politique de dividende généreuse et un souci de valoriser l’entreprise sur le long terme. Pour investir, le gérant croise une approche top-down (scénario macroéconomique, anticipation de l’évolution des marchés) et une approche bottom-up (analyse fondamentale : autofinancement, valeur comptable, etc.). Au final, MAM Entreprises Familiales rassemble plus d’une centaine d’actions. Quelques noms : Cafom, Piscines Desjoyaux, Groupe Pizzorno Environnement, Touax, Ucar, Solutions 30, Pierre & Vacances, SII, Bonduelle, Vetoquinol, Plastic Omnium, Vilmorin & Cie, Wendel, Altran Technologies, Fromageries Bel, L’Oréal, Christian Dior, Bouygues, JCDecaux, Peugeot, ainsi que Zodiac Aerospace, Michelin, Maurel & Prom, Cegid Group, Faurecia, Guerbet, Rallye, SIPH, BigBen InterActive et Jacquet Metal Service. Sur dix ans, à mi-juillet 2016, le fonds gagne près de 5 % en moyenne par an.
Chez Oddo Meriten AM, Oddo Génération est l’un de fonds préférés de l’équipe de direction. Il est géré par Emmanuel Chapuis, Guillaume Delorme, Javier Gomez Rodriguez et François-Régis Breuil. Principales lignes : SAP, Fresenius Medical Care, Ericsson, Ipsen, Michelin, Grifols, Aperam, Schaeffler, Continental et Zalando. Sur dix ans, sa performance annualisée est proche de + 6 %. Enfin, Allianz Actions Aequitas présente la particularité de marier à celle des valeurs familiales les thématiques de l’actionnariat salarié et de la gouvernance d’entreprise (répartition équilibrée des pouvoirs entre management et actionnaires, notamment minoritaires). « L’association vertueuses de ces différentes forces nous semble créatrice de valeur sur le long terme », résume-t-on chez Allianz Global Investors. Pari tenu : sur dix ans, la performance est de + 5,5 % en moyenne par an.
Pour terminer et, s’il en était besoin, montrer encore davantage la richesse du tissu des valeurs familiales, citons Rubis, Seb, Pernod Ricard, Maersk, Luxottica, Richemont (Cartier…), Beiersdorf (Nivea…), BMW, Siemens, Swatch, Roche, Dräger et Leifheit.
Michel Lemosof