C’est un point marchés assez exceptionnel. Il y a peu d’évènements dont on puisse dire qu’ils changent la face du monde ; l’épidémie de Covid-19 en fait partie.
Tous les pays de la planète sont, les uns après les autres, touchés. On recense près de 800 000 cas à l’échelle mondiale. Le choc a commencé, comme vous le savez, en Chine et il touche désormais l’Europe et les Etats-Unis. On sait également que l’ensemble des pays émergents sont aujourd’hui touchés ou le seront d’ici peu. Dans ces conditions, les autorités ont répondu, pays après pays, par des mesures de confinement absolument exceptionnelles.
Aujourd’hui, près de la moitié de l’humanité est confinée à domicile. Mécaniquement, vous avez un choc sur l’activité économique puisque vous avez des pans entiers de l’économie qui connaissent un arrêt brutal. Cet arrêt brutal de l’activité économique va conduire à une récession majeure dans l’ensemble des pays, probablement séquentielle, commençant en Chine, touchant l’Europe, les Etats-Unis puis de nombreux pays émergents.
La contraction de l’activité économique que l’on observera cette année dans l’ensemble des pays sera probablement la plus prononcée depuis la crise des années 1930, bien plus large probablement que lors de la Grande crise financière qui a fait suite à la faillite de la banque Lehman Brothers.
Pour faire face à cette crise, qui est induite par un choc épidémique, les autorités ont annoncé des mesures de très grande envergure. Les banques centrales ont accentué voire remis en place des politiques d’achats de titres qui visent à soutenir l’effort des gouvernements. Les gouvernements ont annoncé des mesures de stabilisation qui visent à indemniser les individus qui vont se retrouver en chômage temporaire, à reporter les charges qui pèsent sur les entreprises parce que nombre d’entre elles ne pourront évidemment plus faire face aux charges qu’elles doivent payer.
Puis vous avez évidemment l’ensemble des mesures de soutien aux hôpitaux de façon à contenir l’évolution de l’épidémie. Au final, on assiste à une sorte de monétisation de la dette publique, c’est-à-dire que l’argent public qui vise à stabiliser la situation est ou sera financé, en grande partie, par les banques centrales. Il faut bien avoir en tête une chose très importante : il ne s’agit pas de plans de relance de l’économie ; il s’agit avant tout de plans de stabilisation.
A court terme, l’impact est inéluctable, il sera particulièrement marqué sur l’activité économique. Il s’agit pour les autorités, gouvernements comme banques centrales, d’éviter qu’une crise avant tout économique ne devienne une crise financière de grande envergure. En ont-elles les moyens ? Oui. Les mesures permettent-elles d’acheter du temps et d’éviter que la crise ne devienne une crise financière ? Oui. Est-ce que les mesures mises en place empêchent des évolutions de marché ? Non, et on l’a bien vu ce mois-ci, avec une chute des bourses assez marquée. Vous avez, en particulier, la bourse américaine qui a chuté d’environ 10% sur le mois et qui s’inscrit en repli de 18% depuis le début de l’année. La bourse européenne est en repli d’à peu près 25% depuis le début de l’année et les traditionnelles valeurs refuges que sont les emprunts d’Etat ou l’or ont joué à plein leur rôle traditionnel.
Alors, que peut-on attendre dans ce type d’environnement ? Comme le cœur de la crise est l’épidémie, il faudra attendre d’être rassurés sur le front de l’épidémie et notamment du côté du fameux pic de cette épidémie. Quand on écoute les épidémiologistes, ils nous disent tous aujourd’hui que l’on peut s’attendre à une amélioration sur le front de l’épidémie d’ici quelques semaines. C’est un premier élément. On ne reviendra toutefois pas au point de départ sur les marchés financiers rapidement. Le redémarrage économique sera lent dans le meilleur des cas.
De notre point de vue, l’activité économique devrait reprendre à compter du 4e trimestre. On va rester probablement dans un environnement particulièrement volatil. Il faut avoir en tête que les données économiques qui seront publiées dans les mois qui viennent vont être particulièrement négatives. On va voir une envolée du chômage aux Etats-Unis. En zone euro, on s’attend à moins de chômage parce que les mécanismes d’assurance sont en place mais on va avoir une dégradation de l’activité économique donc il faut s’y attendre et cela va probablement maintenir des niveaux de volatilité particulièrement élevés sur les marchés financiers dans les semaines et les mois qui viennent.
Même si cette épidémie est avant tout un choc temporaire – nous pensons toujours que c’est un choc temporaire qui va finir par être endigué – on s’attend à des conséquences de long terme sur la structure de nos économies. On le voit déjà en termes de politique économique. Il y aura probablement des demandes sociales suite à ce choix, notamment dans le secteur de la santé. On voit que du côté de la politique économique, on a en quelque sorte ouvert la boîte de Pandore avec des financements monétaires de mesures budgétaires, notamment dans le secteur de la santé. Tout cela va, bien sûr, redéfinir le paysage macro-financier mondial.
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