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24 juin 2016

Michel Lemosof

Alors que les investisseurs du monde entier étaient dans l’ensemble optimistes, comme en témoignent les hausses de cours des jours ayant précédé le résultat du vote des Britanniques, et ce en dépit de sondages contradictoires sur une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le verdict du 24 a plongé la finance dans le désarroi.

Un effet domino

Avant même l’ouverture de la Bourse de Paris, la livre sterling a cédé 11 % contre le dollar, tombant à son plus-bas de 1985, et le contrat à terme sur l’indice sectoriel des banques européennes a chuté de 17 %, soit la plus forte baisse jamais enregistrée en une séance. Son homologue sur le secteur de l’automobile reculait de 13 %. De son côté, l’indice japonais Nikkei a perdu 7,9 %. A 9 h 30, l’action Groupe Eurotunnel cédait 34 %. A 10 h, dans la dernière journée boursière de la semaine, le Cac 40 abandonnait 8 %.

« Un Brexit, déclarait le jour du référendum Christopher Dembik, économiste chez Saxo Bank, est le scénario du pire. Tous les actifs libellés en livre sterling s’effondreront dans la foulée des résultats officiels, voire avant, entraînant avec eux un renforcement global de l’aversion au risque. La liquidité pourrait rapidement baisser à des niveaux extrêmement bas. Pour éviter une nouvelle crise financière, une action rapide et concertée des banques centrales devrait survenir. Elle pourrait consister à racheter des livres sterling sur le marché afin de stopper la chute de la monnaie. Des mesures plus décisives (baisse des taux d’intérêt ou rachats d’actifs) pourraient être envisagées dans un deuxième temps si la panique n’est pas endiguée. Dans un tel contexte, les investisseurs favoriseraient l’or et le yen japonais en priorité. »

Il n’y a pas un mot à changer à ces propos, dont une bonne partie s’est déjà vérifiée, face à ce que Joe Rundle, analyste chez ETX Capital, appelle l’« un des plus gros chocs sur les marchés de tous les temps ». Selon Rick Lacaille, directeur mondial des investissements de State Street Global Advisors, il faudra surveiller, au-delà des conséquences immédiates pour les marchés, l’évolution des mouvements nationalistes protectionnistes, notamment en Allemagne et en France.

« Nous pouvons nous attendre, estime le professionnel, à un effet domino sur certains facteurs liés à la fluctuation des marchés, comme le commerce international, la mobilité des travailleurs et les investissements directs étrangers. La capacité de l’Union européenne à mettre en place les conditions d’une sortie prompte de Royaume-Uni, afin de limiter le plus rapidement possible le risque de répliques dans d’autres pays, sera déterminante. »

De son côté, Michale Metcalfe, directeur de la stratégie global macro de State Street Global Markets, rappelle que plusieurs institutions internationales, dont le FMI, la Banque mondiale, la Banque d’Angleterre et l’Organisation internationale du Travail ont émis des « inquiétudes » quant à la sortie de la Grande-Bretagne et à son impact sur la croissance mondiale, les échanges, les investissements étrangers et la stabilité des marchés financiers.

Une période d’incertitude

« Compte tenu de l’issue du vote, fait remarquer cet expert, ces prévisions pourraient désormais se réaliser. Le moment d’incertitude consécutif à l’annonce des résultats, mais aussi le mouvement acheteur qui a précédé le vote, sont deux facteurs qui renforcent le risque de sorties sur les actions et la devise britanniques. Nous allons également surveiller de près la contagion potentielle vers d’autres actifs européens, en particulier l’euro. »

Pour Philippe Ithurbide, directeur de la recherche, stratégie et analyse, et Didier Borowski, responsable de la macroéconomie, chez Amundi, le vote des Britanniques, qui met fin à quarante-trois années d’appartenance à l’Union européenne, aura des conséquences économiques et politiques, non seulement pour le Royaume-Uni, mais aussi pour l’Europe. Le choix des Britanniques ouvre une période d’incertitude, synonyme de volatilité à court terme pour les marchés financiers.

« À cela, indiquent-ils, vient s’ajouter un agenda politique très chargé d’ici à la fin de l’année : élections législatives en Espagne le 26 juin, référendum constitutionnel en Italie en octobre, élection présidentielle aux États-Unis en novembre. Le Brexit, soulignent-ils, ouvre une période d’incertitude qui va peser lourdement sur la demande intérieure au Royaume-Uni, dont l’économie peut retomber en récession. Toutefois, le choc de confiance n’a aucune raison de mettre en péril la reprise économique en zone euro (qui est avant tout tirée par la demande intérieure). Les exportations de l’Union européenne vers le Royaume-Uni ne sont pas suffisamment significatives pour changer la donne. Le consensus évalue à environ 1,4 point de pourcentage l’impact sur la croissance au Royaume-Uni en 2017 versus 0,3 point sur la croissance de la zone euro. Cet effet est, néanmoins, très incertain. »

« L’absence totale de visibilité, poursuivent-ils, peut se matérialiser à court terme par une remontée du taux d’épargne des ménages (épargne de précaution), une prudence accrue des entreprises dans leurs programmes d’investissement et d’embauche, et un ralentissement des entrées de capitaux. Une prime de risque sur les actifs financiers britanniques est, par ailleurs, susceptible d’accroître l’impact négatif sur l’activité. À plus long terme, la majorité des études conclut à un impact négatif sur le PIB, évaluant à l’horizon 2020, la perte d’activité comprise entre 3 % et 9 % au Royaume-Uni. »

On ne peut exclure, indiquent les spécialistes d’Allianz Global Investors, que la chute « vertigineuse » des prix des actifs britanniques s’inverse au bout d’une ou deux semaines. Cela dit, les investisseurs ont « tout intérêt » à se préparer à faire face à de nouvelles vagues de baisse à la moindre annonce négative sur le front des statistiques économiques ou des avancées politiques.

De nouveaux défis

« Certaines entreprises cotées sur le marché britannique, ainsi que les entreprises locales faiblement exposées à l’importation de matériaux, précisent-ils, devraient relativement bien s’en sortir dans un tel environnement. Ailleurs en Europe, nous anticipons un élargissement des spreads [écarts de rendement par rapport aux emprunts d’Etat] sur le marché obligataire, en particulier parmi les émetteurs de la périphérie, qui sont plus exposés au risque de contagion du vote en faveur du Brexit. D’une manière générale, ce qui est mauvais pour les actions l’est pour le crédit. On peut s’attendre à ce que les actifs européens soient pénalisés en cas de nouvelle perte de confiance des investisseurs internationaux à l’égard de la région. »

Chez Invesco, Mark Barnett, directeur des actions britanniques, parle d’une entrée en « territoire inconnu ». Selon lui, les consommateurs pourraient remettre leurs dépenses à plus tard et les entreprises pourraient retarder leurs recrutements et leurs investissements directs, en attendant que les économies s’adaptent aux conséquences du scrutin. De tels facteurs exposent à court terme l’économie britannique à des « vents contraires assez puissants ».

« À plus long terme, commente-t-il, nous croyons que l’économie du Royaume-Uni saura s’adapter au contexte issu de la sortie de l’Union européenne et nous augurons favorablement de ses perspectives. Ce pays est doté d’une économie dynamique qui a su d’adapter au changement par le passé et qui, aujourd’hui, est prête à faire face à de nouveaux défis. »

Les financiers - la City est la première place financière européenne - ont adopté un biais comportemental. Ils avaient fini par se persuader que l’Union européenne resterait à 28, ne retenant en quelque sorte que si qui les arrangeait. Mais le vote a plus été porté par des opinions politiques que par des considérations d’ordre économique. Il semble aussi que le volet juridique (renégociation des accords commerciaux avec tous les partenaires du Royaume-Uni, même en dehors de l’Union européenne), qui devrait s’étaler sur au moins deux ans, période durant laquelle les Britanniques devraient encore rester dans l’Europe, et sans doute bien davantage (jusqu’à dix ans redoutent certains), ait été minimisé.

Quoi qu’il en soit, chez OFI Asset Management, Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué en charge des gestions, relativise la portée du référendum. Pour lui, en effet, c’est l’évolution de la croissance mondiale et, donc, son impact sur les perspectives de bénéfices des sociétés qui, après l’été, guideront les marchés. L’expérience montre que les turbulences (envol de la volatilité, attaque contre la livre sterling, repli des actions, hausse des taux d’intérêt dans les pays périphériques, dégradation de la liquidité sur le marché du crédit, fragilisation de l’euro) fournissent des opportunités d’investissement, dans la mesure où les marchés sur-réagissent. Cependant, rien ne presse, car il faudra du temps pour restaurer la confiance… dans la finance.
 

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