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Le point de vue de la Recherche, Stratégie et Analyse d’Amundi sur le Brexit

24 juin 2016

Lors du référendum du 23 juin, les Britanniques ont décidé à une large majorité (51,9 %, soit plus de 1 million de voix d’avance) de voter pour le Brexit, la sortie du Royaume-Uni (RU) de l’Union européenne (UE). Ce vote aura des conséquences économiques et politiques, non seulement pour le RU mais aussi pour l’UE.

À ce stade, les inconnues sont nombreuses. Le choix des Britanniques ouvre une période d’incertitudes, synonyme de volatilité à court terme pour les marchés financiers, au Royaume-Uni comme en Europe. À cela vient s’ajouter l’agenda politique très chargé d’ici la fin de l’année : élections législatives en Espagne dimanche 26 juin, referendum constitutionnel en Italie en octobre, élections présidentielles aux États-Unis en novembre.

Quel processus politique de sortie pour le Royaume-Uni ?

Conformément à l’engagement pris par David Cameron durant la campagne référendaire, le gouvernement britannique devrait entériner le résultat du vote en invoquant l’article 50 du Traité de Lisbonne1qui précise les conditions de sortie.

Remarquons néanmoins que rien ne l’oblige à agir rapidement. Une fois la procédure engagée, le Royaume-Uni devra renégocier des accords commerciaux avec l’ensemble de ses partenaires commerciaux (y compris ceux qui sont hors de l’UE) s’il veut éviter de se caler sur les règles minimalistes de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L’article 50 prévoit que, pendant la période de transition, le Royaume-Uni reste membre à part entière de l’UE pendant une période de deux années. Cette période est prolongeable si besoin mais la décision nécessite l’unanimité du Conseil Européen. Dans le cadre de ce processus, notons que la grande majorité des analystes politiques table sur la démission rapide du Premier ministre britannique bien que ce dernier ait répété à plusieurs reprises qu’il resterait à son poste quoi qu’il arrive.

Que vont devenir les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’UE ?

Le Brexit va initier une longue période de négociations de nouveaux accords commerciaux. Il existe plusieurs options pour le Royaume-Uni : rejoindre l’Espace Économique Européen (EEE), s’inspirer du modèle existant pour certains pays (Suisse, Norvège ou Turquie) ou encore s’aligner sur les règles qui régissent l’OMC (solution la plus coûteuse pour le RU car la plus éloignée de la situation actuelle). Aucune d’entre elles ne peut satisfaire les deux parties à ce stade2.

On s’oriente donc probablement vers des accords “sur-mesure” avec l’UE, et potentiellement des accords bilatéraux pour compléter. Le temps de négociation de tels accords est très long : en moyenne, on observe qu’il faut entre 4 et 10 ans pour conclure. Tout compte fait, le RU restera vraisemblablement plus de deux années dans l’UE.

Dans la période de négociation, les gouvernements chercheront à minimiser l’impact sur la confiance ainsi que les perturbations sur les échanges commerciaux entre l’UE et le Royaume-Uni. Les négociations sur le commerce de biens ne devraient pas poser de problème dans la mesure où les intérêts des deux parties sont plutôt convergents. Les négociations promettent en revanche d’être longues et difficiles sur le volet des services financiers qui est stratégique tant pour le Royaume-Uni que pour l’UE.

En effet, le Royaume-Uni est le plus grand centre financier de l’UE : il pèse pour près de 25 % des services financiers de l’UE et 40 % de ses exportations de services financiers. Les services financiers représentent 8 % du PIB britannique. Même si aucune place financière n’est susceptible de remplacer Londres, la perte du “passeport européen” pour les banques britannique rend probables des délocalisations de certains segments d’activité (vers l’Irlande ou certaines places de l’UE).

Quel sera l’impact économique du Brexit ?

Sur le plan économique, l’impact est asymétrique. Le Brexit ouvre une période d’incertitudes qui va peser lourdement sur la demande intérieure au Royaume-Uni dont l’économie pourrait tomber en récession. Toutefois, le choc de confiance n’a aucune raison de mettre en péril la reprise économique en zone euro qui est avant tout tirée par la demande intérieure (les exportations de l’UE vers le Royaume-Uni ne sont pas suffisamment significatives pour changer la donne). Le consensus évalue à environ - 1,4 point de PIB l’impact sur la croissance au Royaume-Uni en 2017 vs. - 0,3 point de PIB celui sur la croissance de la zone euro. Cet effet est néanmoins très incertain ; l’absence totale de visibilité peut se matérialiser à court terme par :

  • une remontée du taux d’épargne des ménages (épargne de précaution),
  • une prudence accrue des entreprises dans leurs programmes d’investissements et d’embauches,
  • un ralentissement des entrées de capitaux.

Une prime de risque sur les actifs financiers britanniques est par ailleurs susceptible de se matérialiser et d’accroître l’impact négatif sur l’activité. A plus long terme, la majorité des études conclut à un impact négatif durable sur le PIB, évaluant à l’horizon 2020, la perte d’activité comprise entre 3 et 9 % au Royaume-Uni.

Quelles seront les conséquences politiques pour l’Union Européenne et le Royaume-Uni ?

Côté britannique, rappelons que la décision de sortir de l’UE s’applique à l’ensemble du Royaume-Uni. Or l’Ecosse, majoritairement favorable au maintien dans l’UE, va certainement demander à Londres l’autorisation d’organiser un nouveau referendum sur son indépendance afin de pouvoir rester dans l’UE3 ; Londres pourra difficilement refuser. Ce référendum ouvrirait la porte à des revendications de même nature en Irlande du Nord et au Pays de Galles qui, même si elles ont très peu de chances d’aboutir, viendraient exacerber les tensions politiques nationales et menacer l’unité du pays. En outre, le parti conservateur, très divisé sur le scrutin, en ressort très affaibli, ce qui fragilisera le prochain gouvernement. Sans compter qu’en quittant l’Union, le Royaume-Uni voit son importance sur la scène internationale amoindrie.

Du côté de l’UE, la sortie du Royaume-Uni change la donne en déplaçant le centre de gravité de l’UE vers l’Europe continentale. En particulier, la France et l’Allemagne devront renforcer leur coopération. Si aucun pays de la zone euro n’a intérêt à sortir de la monnaie unique, certains pays de l’UE (hors Zone Euro) pourraient en revanche demander des avantages comparables à ceux octroyés au Royaume-Uni4. Le thème de “l’Europe à la carte” - contraire aux principes fondateurs de l’UE- risque d’exacerber les forces centrifuges liées à la crise et de peser sur la confiance des investisseurs étrangers. Pour éviter ce type d’évolution, les gouvernements de l’UE devront montrer leur unité.

Quelles conséquences pour les marchés financiers ?

Des turbulences sont inévitables à court terme, non seulement au Royaume-Uni mais aussi dans le reste de l’UE. L’affaiblissement de la livre sterling et le repli des bourses sont au menu à très court terme. Par contagion, les taux d’intérêt souverains des pays périphériques de la zone euro devraient remonter. Dans ces conditions, les taux d’intérêt sur les emprunts d’État les plus sûrs (Allemagne, États-Unis) se replient et l’or gagne du terrain (fuite vers la qualité). L’euro est fragilisé compte-tenu des doutes sur la cohésion de l’Union Européenne dans cette phase de crise.

Que peuvent faire les banques centrales et les gouvernements ?

Les banques centrales ont les moyens d’intervenir, si besoin de façon concertée, pour garantir l’accès à la liquidité et maintenir la stabilité financière. Suite à l’envolée du Yen et à la chute de la bourse nipponne (en repli de 8,1 %), les autorités japonaises se disent prêtes à intervenir. La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre ont déjà fait savoir qu’elles garantiront l’accès des banques à la liquidité dans les deux devises. En cas de turbulences très importantes, la BCE pourrait temporairement accélérer son programme d’achats de titres et des interventions concertées avec d’autres grandes banques centrales (Réserve fédérale notamment) seraient envisageables.

De leur côté, les gouvernements de l’UE peuvent rassurer les investisseurs, en montrant leur cohésion ou encore en garantissant qu’ils offriront au Royaume-Uni le temps nécessaire pour négocier de nouveaux accords commerciaux. Dans ces conditions, les turbulences offriront des opportunités d’investissement intéressantes sur toutes les classes d’actifs (crédit, actions, souverain périphérique, devises), surtout si les marchés sur-réagissent, avec des évolutions déconnectées des fondamentaux.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel européen et pose des défis tant pour le Royaume-Uni (éviter une récession majeure, négocier de nouveaux accords commerciaux sans exacerber les facteurs d’incertitude) que pour les pays de l’UE (endiguer les forces centrifuges pouvant conduire à terme à un délitement de l’Union). L’histoire reste néanmoins en grande partie à écrire.

Ni les États, ni les banques centrales ne sont démunis dans la phase de transition. Au sein de l’UE, la réponse politique passera par une étroite concertation afin d’aligner les positions des gouvernements et obtenir une “sortie ordonnée” du Royaume-Uni de l’UE. On observe jusqu’à présent que les pays de l’UE ont toujours su tirer parti des périodes de tensions pour consolider leurs institutions. Nul doute que le couple franco-allemand sera amené à jouer un rôle clé, notamment pour renforcer la dimension fédérale de l’Union. Mais le défi est de taille pour l’Europe : la route sera longue et le parcours semé d’embûches.


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1. Article 50
Article 1 : “Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.”
Article 2 : “L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union (…)”.
Article 3 : “Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification
visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.”

2. Les Européens ont certes intérêt à ne pas précipiter le RU dans une crise, et donc à faire quelques concessions pour limiter les coûts du Brexit. Mais, dans ce cas
de figure, ils ont également intérêt à négocier une sortie qui ne soit pas complètement indolore, afin de dissuader d’autres pays de l’Union d’emboîter le pas au RU.

3. Notons qu’en pratique, il lui faudrait faire une nouvelle demande d’adhésion à l’UE car les procédures liées à l’article 50 concernent l’ensemble du Royaume-Uni.
Il lui faudrait parallèlement demander à adhérer à l’euro.

4. L’accord du 19 févier 2016 a légalisé le processus d’une union à plusieurs niveaux et renforcé le statut spécial du RU au sein de l’UE. En particulier, le RU a obtenu au terme de cet accord : (1) un droit de regard sur les décisions prises en zone euro, (2) de ne jamais participer aux plans de sauvetage en zone euro et (3) d’être exempté du processus d’intégration politique et d’“union toujours plus étroite”. Par ailleurs, les parlements de l’UE auront désormais la possibilité de suspendre l’adoption d’une décision du conseil (majorité de 55 % requise), c’est le principe dit du “carton rouge” Enfin le RU a obtenu de pouvoir limiter l’accès des nouveaux immigrants aux prestations liées à l’emploi pendant 4 années. Tout compte fait, ces “concessions” de dernière minute faites à David Cameron visaient avant tout à s’assurer de son soutien et d’une campagne active pour le maintien du RU dans l’UE. Au fil du temps, on risque de s’apercevoir qu’elles ont ouvert une brèche dans l’édifice européen.

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